Quant à sa voix légèrement acidulée, claire et affirmée, elle a une belle tessiture qui sied parfaitement à son répertoire et lui permet de « scatter » avec décontraction.
Tout au long du concert, l’improvisation a primé, sollicitant en permanence le talent des instrumentistes. André Villéger a su brillamment trouver sa place et colorer avec beaucoup de fraicheur et d’impétuosité chaque morceau du timbre mat, feutré et inimitable de son ténor rutilant.
En professionnelle accomplie, Champian Fulton a su mettre en valeur ses musiciens. Sur le standard pop et jazz de Gus Arnheim et Abe Lyman, « I cried for you », Alex Gilson a exécuté un époustouflant chorus rapide et très rythmé.
De même, sur la belle balade « PS, I love you », chacun a pu poser ses notes dans un tempo parfait, par touches légères autour de la voix lumineuse de la chanteuse, les solos s’enchainant naturellement, rythmés par les balais délicats d’Armando Luongo.
Le quartet nous a gratifié d’une belle reprise de « All of me », coécrite par Seymour Simons et Gérald Marks et interprétée en son temps par Billie Holiday. Le chorus de la contrebasse en introduction aura marqué les esprits par son raffinement rythmique. Quand cet instrument casse les codes et devient leader avec un pizzicato inspiré, on assiste à des moments magiques.
Champian Fulton a publié un album consacré aux chansons de Noël et en ce début décembre, le moment était choisi pour interpréter une « Christmas song » au son jazzy délicieusement désuet avant d’enchainer sur un morceau beaucoup plus enlevé, prétexte à de multiples chorus valorisés par son talent pianistique et enrichis de la créativité de chaque musicien.
Il aura fallu deux rappels pour que le public, venu en nombre, accepte de quitter la salle !
Ce concert a consacré l’essence même du jazz en laissant une large place à l’improvisation, à la liberté d’inventer des plages musicales singulières. André Villéger nous a même confié à la fin du concert qu’une partie de la set list s’était confectionnée au fil de la soirée. Cette information nous a laissé songeurs et admiratifs tant l’interprétation était fluide d’un bout à l’autre.
Il est d’ailleurs à noter qu’en improvisatrice hors pair, Champian Fulton a publié l’album « Meet me at Birdland » en 2022. Pour ce faire, elle a passé 4 soirées sur la scène du légendaire club de jazz new yorkais, sans répéter un seul morceau et tout en enregistrant ce qui allait devenir son futur album Live et son seizième en tant que leader.
Cette première soirée a brillamment lancé la seconde édition du festival du jazz d’Arcachon !