Champian at the Arcachon Jazz Festival in France (December 2023)
Champian Fulton invite André Villéger : Un cocktail d’élégance, de charme et de swing
Changement de décor pour la seconde partie de soirée. Le public a été invité à rejoindre la salle de spectacle du théâtre Olympia où se produisait Champian Fulton.
Musicienne incontournable de la scène new yorkaise, chanteuse et pianiste, elle s’inscrit dans la lignée de grandes voix féminines telles Sarah Vaughan ou Dinah Washington. Sa musique met à l’honneur les racines afro-américaines du jazz et son jeu au piano est influencé par Errol Garner, Bud Powell ou Sonny Clark. Considérée comme l’une des étoiles montantes de la scène jazz, elle a été nommée pianiste et voix féminine de l’année 2019 lors de la cérémonie des NYC Readers Jazz Awards.
Bercée par la musique depuis son plus jeune âge puisque son père est trompettiste de jazz, elle s’est essayée à la batterie, la basse et la trompette avant de jeter son dévolu sur le piano. Elle envisage le jazz comme un langage qui favorise la liberté d’expression et la recherche du bonheur.
Dès son arrivée sur scène, Champian Fulton a éclaboussé l’Olympia de son sourire et de son élégance naturelle. Toute de bleue vêtue, elle a pris possession du clavier avec autorité et vélocité, sa voix au timbre clair se mêlant admirablement aux arpèges.
Elle est accompagnée d’Alex Gilson à la contrebasse et d’Armando Luongo à la batterie, 2 musiciens brillants, élégants, au swing plein de vitalité. Le saxophoniste André Villéger a été invité à partager la scène avec eux. Ce dernier a une longue et belle carrière derrière lui. Il a su s’adapter au jeu d’autres musiciens exigeants tels Milt Buckner, Harry « sweets » Edison, Claude Bolling. Après avoir longtemps joué de l’alto en s’inspirant du style de Sidney Bechet, il s’est par la suite tourné vers les sonorités plus graves du ténor et du baryton.
Champion Fulton est-elle plus talentueuse au chant qu’au piano se demande le spectateur subjugué ? En fait, on ne peut dissocier les deux. Elle nourrit de sa pétulance et de sa virtuosité chaque interprétation et entretient un lien presque physique avec son instrument. Elle parvient à le faire vibrer avec une main gauche qui est tout sauf indolente. Son jeu regorge de swing. Elle joue en permanence sur les tonalités avec une aisance déconcertante, caressant, survolant les touches avec souplesse et une apparente désinvolture alors que les morceaux sont sophistiqués. Elle maitrise à la perfection les techniques du piano jazz, le toucher est percussif, virtuose, les longs chorus toujours inspirés, rythmés et harmonieux.
Quant à sa voix légèrement acidulée, claire et affirmée, elle a une belle tessiture qui sied parfaitement à son répertoire et lui permet de « scatter » avec décontraction.
Tout au long du concert, l’improvisation a primé, sollicitant en permanence le talent des instrumentistes. André Villéger a su brillamment trouver sa place et colorer avec beaucoup de fraicheur et d’impétuosité chaque morceau du timbre mat, feutré et inimitable de son ténor rutilant.
En professionnelle accomplie, Champian Fulton a su mettre en valeur ses musiciens. Sur le standard pop et jazz de Gus Arnheim et Abe Lyman, « I cried for you », Alex Gilson a exécuté un époustouflant chorus rapide et très rythmé.
De même, sur la belle balade « PS, I love you », chacun a pu poser ses notes dans un tempo parfait, par touches légères autour de la voix lumineuse de la chanteuse, les solos s’enchainant naturellement, rythmés par les balais délicats d’Armando Luongo.
Le quartet nous a gratifié d’une belle reprise de « All of me », coécrite par Seymour Simons et Gérald Marks et interprétée en son temps par Billie Holiday. Le chorus de la contrebasse en introduction aura marqué les esprits par son raffinement rythmique. Quand cet instrument casse les codes et devient leader avec un pizzicato inspiré, on assiste à des moments magiques.
Champian Fulton a publié un album consacré aux chansons de Noël et en ce début décembre, le moment était choisi pour interpréter une « Christmas song » au son jazzy délicieusement désuet avant d’enchainer sur un morceau beaucoup plus enlevé, prétexte à de multiples chorus valorisés par son talent pianistique et enrichis de la créativité de chaque musicien.
Il aura fallu deux rappels pour que le public, venu en nombre, accepte de quitter la salle !
Ce concert a consacré l’essence même du jazz en laissant une large place à l’improvisation, à la liberté d’inventer des plages musicales singulières. André Villéger nous a même confié à la fin du concert qu’une partie de la set list s’était confectionnée au fil de la soirée. Cette information nous a laissé songeurs et admiratifs tant l’interprétation était fluide d’un bout à l’autre.
Il est d’ailleurs à noter qu’en improvisatrice hors pair, Champian Fulton a publié l’album « Meet me at Birdland » en 2022. Pour ce faire, elle a passé 4 soirées sur la scène du légendaire club de jazz new yorkais, sans répéter un seul morceau et tout en enregistrant ce qui allait devenir son futur album Live et son seizième en tant que leader.
Cette première soirée a brillamment lancé la seconde édition du festival du jazz d’Arcachon !